Couverture
Résumé
Frozen Chains of Childhood (2017)
Photographie, imprimée sur papier photo, 25"x15"
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La photographie Frozen Chains of Childhood a été prise en hiver 2017 lors d’une tempête de glace à Barrie, Ontario, Canada. La photographie est une réflexion sur les systèmes des pensionnats indiens, actifs au Canada de 1831 à 1996. Mis en œuvre par le gouvernement canadien et soutenu par l’Église catholique, les pensionnats indiens ont été conçus afin de « tuer l’Indien au sein de l’enfant », en enlevant de force des milliers d’enfants Autochtones à leurs parents et en envoyant ces enfants à ces soi-disant écoles. En 1920, le directeur général adjoint du ministère des Affaires indiennes Duncan Campbell Scott explique le but de ces pensionnats : « Notre objectif est de continuer jusqu’a ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada qui n’ait pas été intégré à la société et qu’il n’y ait plus de question indienne ni de ministère des Affaires indiennes ».
Selon l’organisme de bienfaisance Reconciliation Canada, il y avait plus de 130 pensionnats indiens à travers le Canada. Or, ce nombre exclut les écoles de jour et les internats qui n’ont pas été classés dans la catégorie de pensionnats, bien qu’eux aussi avaient la même mission. On estime que 150,000 enfants Autochtones vivaient dans ces pensionnats, dont plus de 90 % ont subi des abus graves—physique, mental, émotionnel et sexuel—ce qui a entrainé un traumatisme intergénérationnel ressenti par de nombreuses familles Autochtones aujourd’hui.
Plusieurs enfants ont souffert de la malnutrition et des maladies telle que la tuberculose et plusieurs ont été soumis de force à la stérilisation aux pensionnats ou utilisés dans des épreuves expérimentales, sans le consentement de leurs parents. La recherche montre que la malnutrition enfantine peut mener à des complications de santé entre générations comme, par exemple, le fort taux de diabète que l’on voit chez les communautés Autochtones. De plus, les études démontrent que la violence physique et les traumatismes subis pendant l’enfance peuvent laisser une marque indélébile sur l’individu et se faire sentir sur de multiples générations.
Tout comme la balançoire dans la photographie de couverture, ces enfants Autochtones se sentaient isolés, gelés, négligés et immobilisés aux pensionnats. Ils étaient enfermés dans ces institutions et bien que quelques-uns comme Chanie Wenjack ont tenté de s’échapper, d’autres n’ont pas pu. Il y avait un taux de mortalité des enfants de 40–60 % dans les pensionnats indiens (Réconciliation Canada). Au moment où j’écris cet éditorial, on retrouve plus de dix mille cadavres d’enfants enterrés dans des tombes non marquées à ces pensionnats à travers l’Amérique du Nord—les corps enfin réclamés et les esprits au retour chez eux. Les Survivants ont parlé de ces tombes depuis longtemps, mais ce n’est que maintenant que l’on admet la vérité et la diffuse largement pour que les canadiens la confrontent. La vérité provoque non seulement la douleur mais aussi la guérison. Pour moi, ce processus commence à faire fondre les chaînes gelées de l’enfance et à libérer ces jeunes enfants qui, au fur et à mesure que l’on rapatrie leurs corps, reviennent enfin chez eux.
Il est important de souligner que cette vérité n’est pas simplement un chapitre noir de l’histoire canadienne, mais plutôt un chapitre en cours. On continue à séparer les enfants indigènes de leurs familles: d’abord il y avait les pensionnats, ensuite la rafle des années soixante et aujourd’hui il y a le système de placement dans les familles d’accueil. Selon les données du Recensement de 2016, plus de 52 % des enfants pris en charge était Autochtones même si les enfants indigènes âgés de moins de 15 ans ne représentent que 7.7 % de la population canadienne. Aujourd’hui, il y a plus d’enfants Autochtones en foyer d’accueil qu’au plus fort du système de pensionnat. Bien que le dernier pensionnat ait été fermé en 1996, les systèmes qui les ont créés sont toujours bien vivants.
Le commissaire en chef de la Commission vérité et réconciliation du Canada, le sénateur Murray, a dit: « c’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin et c’est elle qui nous permettra d’en sortir » (Débats du Sénat du Canada, 2017). C’est grâce à l’éducation que j’ai commencé à faire fondre les chaînes de ma communauté et à éclaircir mon identité en tant que femme Métisse-crie qui a passé par le système d’éducation public sans jamais avoir appris que ces pensionnats existaient. Ce n’est qu’en troisième année de mes études universitaires—lorsque je me suis inscrite dans un cours sur la santé et la guérison Autochtone avec le professeur Jon Johnson (Université York, Toronto)—que j’ai pris connaissance de cette vérité. Jusqu’à ce moment-là, je n’avais pas compris pourquoi, dans ma famille, notre identité Autochtone était un secret bien gardé et pourquoi les membres de ma famille se sentaient forcés de passer pour des personnes blanches, pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Découvrir cette vérité a changé ma vie à tout jamais. Je suis maintenant sur un chemin d’apprentissage, de désapprentissage et de réapprentissage pour que je puisse réclamer ma culture et la léguer aux générations futures. Alors que, pour mes ancêtres, être indigène n’était pas sécuritaire, j’espère que mes enfants futurs pourront grandir dans un monde ou être Autochtone est non seulement sécuritaire mais célébré.
—Artiste d’origine crie et métisse, Marissa Magneson est photographe, éducatrice et animatrice d’ateliers. Elle est doctorant à la Faculté d’éducation à l’Université York (Toronto, Canada).
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